LE VILLAGE DE L'ALLEMAND

OU LE JOURNAL DES FRÈRES SCHILLER

d'après le roman de Boualem Sansal

Après le succès du Quatrième Mur adapté du roman de Sorj Chalandon, la compagnie Les Asphodèles du colibri adapte le roman de Boualem Sansal : Le Village de l'Allemand.

Nés de mère Algérienne et de père Allemand, Rachel et Malrich sont élevés par un vieil oncle immigré dans une cité de banlieue parisienne, tandis que leurs parents restent dans leur village près de Sétif.
Leur destin bascule en 1994, lorsque le Groupe Islamique Armé y massacre une partie de la population. Pour les deux frères, le deuil va se doubler d’une douleur bien plus atroce : la révélation de ce que fut leur père, cet Allemand qui jouissait du titre prestigieux de moudjahid...
Cette histoire authentique relie trois réalités, à la fois dissemblables et proches : la Shoah, la guerre civile en Algérie et l’abandon croissant de la République dans les banlieues françaises.


COMME UN COMBAT CONTRE L’OUBLI, L’AMNÉSIE, LE NÉGATIONNISME POUR LAISSER LA PLACE A LA TRANSMISSION DE LA MÉMOIRE !

...

A PROPOS DE L'OEUVRE

Les narrateurs sont deux frères nés de mère algérienne et de père allemand. Ils ont été élevés par un vieil oncle immigré dans une cité de la banlieue parisienne, tandis que leurs parents restaient dans leur village d’Aïn Deb, près de Sétif. En 1994, le GIA massacre une partie de la population du bourg. Pour les deux fils, le deuil va se doubler d’une douleur bien plus atroce : la révélation de ce que fut leur père, cet Allemand qui jouissait du titre prestigieux de moudjahid...

Sur un sujet aussi délicat, Sansal parvient à faire entendre une voix d’une sincérité bouleversante. Nous sommes en janvier 2008, dans sa volonté de dénoncer les injustices, les mensonges, les diktats de toutes natures, de combattre l’amnésie, les révisionnismes historiques de toutes sortes, mais aussi de transmettre une mémoire, rien ne semble arrêter Boualem Sansal. Ni les critiques violentes qu’il a essuyées dans son pays, ni la censure dont ses derniers livres furent l’objet. En effet, pour la première fois, un auteur algérien traite frontalement d’un sujet tabou dans son pays: la Shoah. Pour faire bonne mesure, il l’aborde, comme à son habitude, à travers une histoire vraie dont il eut connaissance dans les années 1980. À cette époque, Boualem Sansal est consultant auprès du ministère de l’Industrie. En déplacement professionnel dans la région de Sétif, son attention est attirée par un village « propret ». D’ordinaire, « ils sont plutôt poussiéreux, surtout dans la région des hauts plateaux », explique-t-il. Intrigué, il se renseigne et apprend que ce lieu, surnommé « le village de l’Allemand », a été dirigé par un ancien nazi qui, après la guerre, avait fui en Égypte. « Le cas n’est pas isolé, explique Boualem Sansal, certains Allemands qui sont venus se battre auprès des Algériens lors de la guerre de libération ont même occupé des places importantes après l’indépendance. » Pour autant, après la découverte de ce nazi devenu moudjahid, le romancier fut pris sous « un déluge » de questions. « D’abord, je me suis demandé si un Algérien, arabe, musulman, peut parler de la Shoah alors qu’il appartient à un espace culturel où elle est passée sous silence. En Algérie, la télévision n’a jamais diffusé le moindre documentaire sur les camps d’extermination. Dans l’histoire officielle, on ne trouve pas un mot sur elle. Alors, comment parler de quelque chose qui n’existe pas ? »

Les deux fils de l’Allemand, les frères Schillers sont eux le fruit de l’imagination de Boualem: Rachel (contraction de Rachid et Helmut) et Malrich (Malek/Ulrich). Moitié allemands par leur père, moitié algériens par leur mère, les deux garçons, l’adolescence venue, sont envoyés en France chez Tonton Ali, «brave homme au coeur gros comme un camion» qui réside près de Paris, dans une banlieue morne aux contours incertains. À l’image de la vie de Malrich, qui a choisi une trajectoire moins linéaire que celle de son aîné, Rachel, homme sérieux, posé, à qui tout semble réussir. « Il était cadre dans une grosse boîte américaine, il avait sa nana, son pavillon, sa bagnole, sa carte de crédit, ses heures étaient minutées, moi je ramais H24 avec les sinistrés de la cité. » Jusqu’au jour où Malrich apprend que ce frèremodèle qu’il ne voyait plus que de loin en loin s’est suicidé dans son garage. Sur les lieux du drame, il le découvre le crâne rasé, le visage couvert de suie, portant un « drôle » de pyjama rayé. Quelques jours plus tard, Com’Dad, le commissaire du quartier (sorte d’ange gardien de Malrich) lui confie le journal qu’a tenu son frère pendant deux ans et l’incite à le lire pour comprendre la portée symbolique du geste de celui-ci. Dès lors, tout va s’emboîter, par un jeu remarquable de mise en abime. Le journal que tient Malrich, comme une sorte d’exutoire, dévoilant celui de Rachel. Et le drame terrible qui en fut le déclencheur.

Le 24 avril 1994, au coeur de la « décennie noire » qui touche l’Algérie, le douar d’Aïn Deb, près de Sétif, est attaqué par des membres du GIA (Groupe islamiste armé) et ses habitants massacrés. Aussitôt informé, Rachel décide de se rendre dans son village natal pour se recueillir sur la tombe de ses parents. Là, plus qu’une bizarrerie administrative qui voit ses parents enterrés sous d’autres noms que les leurs, il découvre dans la maison familiale une petite valise renfermant le carnet militaire de son père, ses insignes de SS ainsi que des lettres signées « Jean 92 ». Sous le coup de cette révélation, Rachel vacille, s’enferme dans le silence, s’isole de tout et de tous. Avant d’entreprendre une longue descente aux enfers. Un voyage initiatique, nourri de lectures - Primo Levi en tête - qui, dans les pas de son père, le conduit, de Hambourg au Caire en passant par Auschwitz, au coeur de «l’entreprise» exterminatrice dont Boualem Sansal dépeint tous les rouages. Pour que les lecteurs comprennent, surtout ceux qui ne savent rien sur cette question - « je pense aux Algériens, mais aussi à tous ceux du Maghreb et du monde arabe à qui ce livre est destiné -, je voulais qu’ils séjournent durant une dizaine de pages, pour sentir toute l’horreur de cette mécanique. Et leur démontrer que ce n’est pas qu’un crime de guerre, mais bien plus que cela. » Cette plongée saisissante conduit aussi Rachel au coeur d’un silence, effroyable. Celui d’un père, d’un bourreau, contre lequel se heurtent les interrogations poignantes de son fils, dont la plus aiguë : « Sommes-nous comptables des crimes de nos parents ? » Des interrogations qu’à sa manière Malrich va faire siennes, les intégrer (pour ne pas dire les entrechoquer) à son vécu, à la réalité d’une cité gangrenée par l’islamisme. Au point de produire, d’un fait divers terrible, un véritable télescopage verbal, amalgamant Führer et imam, cité et camps... Des amalgames qu’assume Boualem Sansal tout en soulignant le caractère spécifique de la Shoah. « Rien ne peut lui être comparé. En revanche, je pense qu’il y a de nombreuses similitudes entre nazisme et islamisme. Pour moi, ce sont les mêmes techniques, les mêmes instruments. »

...

A PROPOS DE L'AUTEUR

Boualem Sansal est né le 15 octobre 1949 à Theniet El Had, en Algérie. Il suit des études à l’École nationale polytechnique d’Alger pour être ingénieur et devient docteur en économie. Sa carrière est assez diversifiée et il passe par plusieurs fonctions. Il est tour à tour enseignant, consultant, dirigeant d’entreprise. Il a également occupé un poste au sein du ministère de l’Industrie de l’Algérie. Si Boualem Sansal a toujours été un lecteur assidu, il a hésité avant de prendre la plume. C’est grâce aux encouragements de son entourage et à sa volonté de comprendre et d’expliquer la guerre civile qui ravage son pays durant la décennie 1990 qu’il se lance dans l’écriture en 1997.

Son premier roman parait en 1999 : Le Serment des barbares. Il est récompensé par le Prix du premier roman et le prix Tropiques la même année et rencontre un grand succès, notamment en France. Son ouvrage suivant, Poste restante : Alger, est un pamphlet dans lequel il remet en question le pouvoir en place et est censuré en Algérie. En 2003, il publie Dis-moi le paradis, un roman qui dresse le portrait de l’Algérie après l’époque coloniale. L’auteur s’y montre une nouvelle fois très critique envers le gouvernement de son pays, ses dysfonctionnements et l’islamisme. C’est en partie à cause de cet ouvrage qu’il est licencié de son poste de haut fonctionnaire. Il continue néanmoins à écrire des nouvelles, des essais et des romans engagés pour dénoncer les exactions du pouvoir algérien et la dangerosité de l’islamisme.

Le Village de l’Allemand, roman qui est publié en 2008 et directement censuré dans son pays, reçoit le grand prix RTL-Lire en France. L’écrivain y fait la comparaison de l’islamisme avec le nazisme. Trois ans plus tard, Boualem Sansal se voit décerner le Prix de la paix des libraires allemands, pour son oeuvre engagée et qui ose faire la critique de la situation politico-sociale algérienne. Son roman suivant, Rue Darwin, paru en 2011, raconte l’histoire d’une famille pendant la guerre d’Algérie et comporte de nombreuses touches autobiographiques. Il est récompensé du prix du Roman arabe pour ce récit. En 2013, c’est le Grand Prix de la francophonie de l’Académie française qu’il reçoit pour l’ensemble de son oeuvre. La publication en 2015 de son ouvrage, 2084 : La Fin du monde, lui vaut de remporter le Grand Prix du roman de l’Académie française. Il s’inscrit clairement avec cet ouvrage dans la lignée du célèbre 1984, roman d’anticipation de George Orwell.

Malgré ses relations plus que tendues avec le gouvernement de son pays, Boualem Sansal vit toujours en Algérie.

...